Ce mois-ci nous souhaitons vous présenter Daniel.

Personnage attachant, il est à la fois cycliste et poète. En fait il écrit ses textes sur son vélo… Côté vélo, Daniel est un vrai, un dur au mal. Il ne se lève pas et n’enfile pas son cuissard pour moins de 100 km. Pareil, lorsqu’il va monter le Ventoux, c’est au moins deux fois dans la journée ! Côté écriture, nous vous glissons un de ses poèmes ci-après pour que vous jugiez mais nous on adore, surtout que ce sont souvent des histoires… de vélos !

Nous tiendrons d’ailleurs au magasin ses deux ouvrages si le cœur vous en dit d’en lire plus.

Peux-tu te présenter et nous dire comment tu es arrivé à pratiquer le vélo ?

Daniel Martínez, 64 ans, né à Bessèges (Gard). D’origine et nationalité espagnole à la naissance, et binational aujourd’hui. Tri-national, devrais-je dire, avec celle… Cévenole !
Les espagnols étant réputés bons grimpeurs, peut-être ai-je hérité, ainsi,  de l’amour de la montagne !

Petit, je ne faisais pas de vélo. À 15 ans et demi, j’ai commencé à jouer au foot. Le vélo me semblait très dur. La compétition me faisait peur ! Nous n’avions en image que les courses cyclistes dont le Tour de France !

Mon père m’a acheté un demi-course Mercier… rouge, d’occase, quand j’ai eu le BEPC. Je m’en servais surtout pour aller pêcher la truite… Là j’ai compris l’importance que pouvait avoir la bicyclette pour se déplacer ! Je vois, d’ailleurs, toujours la bicyclette sous cet angle- là : le déplacement, la découverte… Et plus que jamais, c’est devenu une philosophie de vie, un moyen d’échapper au quotidien !

Quand Miguel, mon frangin qui a 4 ans de plus que moi, s’est arrêté de faire la bringue, après 20 ans, il s’est inscrit à l’ASPTT de Lyon, des costauds, et il s’est mis à faire des diagonales, des brevets, des flèches etc… C’est lui qui m’a mis en tête l’idée, non pas de faire pareil, mais de grimper les cols et rouler long, pratiquement avant le lever du soleil jusqu’à ce qu’il se couche, et en montagne.

J’ai alors acheté, après l’armée, mon premier vélo : un Peugeot d’occasion avec des boyaux (… d’un boucher : Dédé Salanger de Bessèges !).
Lozère, Aigoual, Ventoux pour commencer puis les grands cols des Alpes et des Pyrénées. J’avais un compère Bességeois, à l’époque, Serge Ontiveros, « le Bakou », un sacré escaladeur et aussi excellent descendeur de… cerveza !

 

Le Port de Boucharo ou de Gavarnie (2262m) au-dessus de Luz-St-Sauveur

Ta pratique a-t-elle évolué ? Quelle est-elle aujourd’hui ?

Je te dirais que non, je suis toujours dans le même créneau. Du long et des cols… J’ajoute facilement des bornes après avoir passé la centaine. C’est dans la tête, c’est-là où je me sens bien. Et puis les petits voyages régionaux, seul ou avec Annick, ça c’est un truc que j’avais expérimenté très rapidement et qui me branche toujours autant ! Je n’ai guère roulé à l’étranger, à part l’Espagne ! Et puis un mot sur mon vélo, en fait c’est une randonneuse, en fer, ça situe aussi la pratique !

Au Port du Grau du Roi (0 mètre) …deux symboles de voyage… le bateau et le vélo

Tes routes favorites ? Tes cols favoris ?

Les Cévennes ! C’est mon… territoire !  Le Finiels, le Col du Pré de la Dame et une flopée de cols moins hauts dont le Péras (771m), bien sûr, à Bonnevaux ! C’est mon col favori.
Après j’ai une tendresse très très marquée pour le Mont-Ventoux (Col des  Tempêtes).

Le col des Tempêtes – Mont Ventoux – un 24 décembre

L’Izoard et le Col Agnel sont mes préférés dans les Alpes ! Et Pailhères dans les Pyrénées ! Mais tous les massifs montagneux me font rêver, la Corse, l’Auvergne, les Vosges, le Pays Basque…

Au-dessus du Tourmalet, au col de Sencours (2378m) sous le Pic du Midi de Bigorre

Parle-nous un peu de tes ouvrages. Comment trouves-tu ton inspiration ?

C’est gentil de me demander par rapport à ce que j’écris ! C’est vrai, j’écris des tas de trucs en roulant, comme d’autres en marchant. C’est ainsi ! J’en ai tiré une maxime très personnelle qui me correspond complètement :

La pensée se nourrit du corps en mouvement.

À vitesse réduite, je dois préciser ! C’est un mécanisme que je n’explique pas mais que la solitude favorise en fin de compte. Parfois on me demande où je vais chercher tout ça, mais c’est le contraire, je ne vais rien chercher, c’est « tout ça » qui me « tarabuste » pour écrire ! C’est un réflexe, une urgence même !  

Bien sûr, il faut avoir un truc à raconter et le vélo m’a souvent soufflé des sujets.

D’ailleurs, mon premier bouquin, sorti en 2019, intitulé du Guidon à la Plume et comprenant 24 textes sur la bicyclette (entre-autres) est le fruit du hasard. J’avais participé à un concours de poésie à Nyons en 2019 et mon recueil avait eu un prix. Je me suis dit pourquoi ne pas l’imprimer avec d’autres textes 

Là, je viens de faire éditer Cyclades, où il n’y a que des textes sur la Petite Reine.

Quand on lit tes textes, on sent très bien le vécu des histoires. Quelle serait celle qui t’a le plus marqué ?

Oui ! Je n’écris que sur du vécu, de l’authentique, la plupart du temps, ce sont des poèmes. Je n’ai aucune imagination, pour de la science-fiction, par exemple. J’ai été marqué par autant d’histoires que j’ai dû en écrire, sinon je ne l’aurais pas fait. C’est clair, parfois ce sont des choses minimes ou assez personnelles mais elles ont toujours une grande signification, un écho inattendu. Parfois, les rencontres, même éphémères laissent de grands souvenirs ou des amitiés durables et j’ai gardé le contact avec quelques personnes rencontrées en voyageant…

Ainsi la rencontre avec Marie-Rose et Henri Brénu-Comiti, au camping d’Aumont-Aubrac, en juillet 2006, est tout-à-fait étonnante.
Anciens cyclo-campeurs, alors octogénaires, habitants St-Guilhem-le-Désert (34), ils refaisaient, à mobylette, des parcours qu’ils avaient accomplis à bicyclette dans leur jeunesse avec leurs enfants (6).
En octobre 2010, j’ai pris un auto-stoppeur, sous le déluge à St-Ambroix, c’était un de leur fils ! J’avais alors écrit un texte (le Mystère de la remorque).
En 2019, ce texte paraît dans mon bouquin. Une dame de St-Paul-le-Jeune, Madame Ginette Boitelet, en ayant acheté deux exemplaires, me fait contacter pour que j’écrive un mot sur celui qu’elle voulait offrir à… Jacques Brénu-Comiti, le fils que j’avais pris en stop.
Le lien entre tout cela ? Jacques, professeur d’Histoire à Privas, avait fait connaissance, lors de conférences dans les lycées, de Christian Boitelet, son époux, décédé en 2014, résistant déporté par les nazis à Buchenwald en 1944. Et ils étaient devenus amis.
En février 2020, Ginette a organisé un repas chez elle, où avec Jacques, nous nous sommes retrouvés !

Le mot de la fin ?

Oui même deux, ou trois, si tu veux, le premier extrait de mon bouquin Du Guidon à la Plume, la conclusion d’un poème intitulé Hymne à ma bicyclette :

… En vers et contre tout, tel est mon théorème :
Tant que j’irai debout, je roulerai quand même !

Et un second extrait de Lettre au Docteur dans Cyclades, en conclusion aussi :

… Je prête ce serment comme en un hémicycle :
Je me veux pédalant jusqu’au bout de mon cycle !

Mais je devrais plutôt finir en vous remerciant de consacrer votre temps, à AMC7, à bosser pour que les autres « s’amusent » ! Et le faire de telle manière que lorsque l’on vient chez vous, on se sente comme dans une famille !

 

Merci Martial et Merci à toute l’équipe d’AMC7 !

 

 

Pour aller plus loin, on vous invite à écouter cette interview de Daniel, donnée sur Radio 16, au sujet de son recueil : du Guidon à la Plume.

Et comme promis plus tôt, voilà un texte de Daniel, au sujet des vélos à assistance électrique.

La repentance

Il se peut qu’une idée puisse être versatile
Sans doute vaut-il mieux faute d’obsessionnel
(savez-vous le dicton dédié aux imbéciles ?)
diluer d’un avis son côté passionnel

Farouche partisan de dépense physique
pour l’occasion l’exemple m’apparaît tomber pile
Je l’avoue j’ai émis de nombreuses critiques
ces dernières années sur le vélo à pile

Je m’en excuse ici j’ai changé mon optique
Oh certes aucunement pour en faire un usage
et je garde mon cap sur la même politique
mais perçois de l’engin une toute autre image

Adeptes du VAE ou simples défenseurs
vos plaidoyers imposent à mes yeux le respect
Sensible à vos raisons je n’en suis plus censeur
et naturellement devient moins circonspect

Méforme maladie ou bien entrée dans l’âge
débutants résolus à suivre un partenaire
chacun à son niveau trouvera l’avantage
de mettre de l’action dans sa vie sédentaire

D’autres aspects encore me semblent sympathiques
Aucune pollution aucun bruit de surcroît
offrant aux vélocistes un élan bénéfique
m’en servirai-je un jour si mon ardeur décroît ?

Pour l’instant rien ne presse n’y pensant nullement
ni doute ni soupçon ne traversant la tête
mu de ma seule force bravant les éléments
mon défi personnel va vers ma bicyclette

Nous voilà donc liés sur de communs parcours
et je vous saluerai comme de bienséance
Si vous avez le temps me doublant un bonjour
balaierait d’un seul coup toutes mes réticences

Daniel Martinez (05/11/2016)